L'étude des différentes manières de ne pas lire un livre, des situations délicates où l'on se retrouve quand il faut en parler et des moyens à mettre en oeuvre pour se sortir d'affaire montre que, contrairement aux idées reçues, il est tout à fait possible d'avoir un échange passionnant à propos d'un livre que l'on n'a pas lu, y compris, et peut-être surtout, avec quelqu'un qui ne l'a pas lu non plus.
Les + :
-la distinction entre lecture et le fait de parler d'un livre
-la réflexion sur notre rapport aux livres
Ce que j'en ai pensé :
Pierre Bayard nous propose ici un livre au nom bien provocateur, qui nous évoque un fait réprouvé socialement, mais qui pourtant est très banal : ne pas avoir lu un livre. Notamment un "must-read", donc la lecture est considéré comme acquise.
C'est le point fort de cet essai : l'auteur cherche ici à déculpabiliser les lecteurs, mais surtout les non-lecteurs, de ne pas avoir lu. Parce qu'on ne peut pas tout lire, parce qu'on n'a pas envie de tout lire tout simplement. Mais aussi simplement parce qu'on a oublié. L'auteur fait un pied de nez à l'élite, celle qui vous méprise si vous n'avez pas lu tel ou tel livre : d'abord, parce qu'elle-même se vante de bien des lectures qu'elle n'a pas faites. Mais aussi parce que votre culture et votre intelligence ne se mesurent pas à une quantité de livres lus. Et enfin, parce que parler d'un livre, finalement, est un acte très différent de sa lecture. La lecture influence la manière de parler d'un livre, mais elle ne lui est pas nécessaire.
L'autre point très intéressant est l'interrogation que l'auteur pose quant à notre rapport à la lecture et aux livres. Il distingue plusieurs rapports au livre, de lecture, de non-lecture, et d'après-lecture. Un livre lu est pour nous, comme un livre non-lu, une construction de notre esprit à partir des informations que l'on a. Certes, on a beaucoup plus d'informations pour un livre lu selon moi, notamment le ressentie, qui est très important, mais en effet, chacun se reconstruit l'image d'un livre qu'il a lu, tout comme nous nous construisons une image d'un livre que nous n'avons pas lu, finalement. Ce qui emmène à la réflexion de l'auteur : on peut parler de livre que l'on n'a pas lu, si on en connaît assez à son sujet, puisque parler d'un livre, c'est parler de l'image que l'on a d'un livre. Et l'image que l'on se fait du livre, ce n'est pas seulement ce qu'on a retenu de sa lecture, qui est déjà un acte d'altération, c'est aussi le contexte socio-culturel dans lequel s'inscrit le livre.
Là se pose la réflexion de l'auteur sur le fait de parler d'un livre. Parler d'un livre est finalement un acte qui n'a pas de rapport avec la lecture ou non d'un livre, mais à l'image que l'on s'est créé d'un livre. C'est aussi un acte social qui dépend d'autrui. L'image que vous avez du livre, l'histoire du livre en question et la personne avec qui vous en parler est ce qui influencera le dialogue.
On a donc une distinction claire entre la lecture d'un livre et le fait d'en parler et entre le livre et son histoire sociale.
Malheureusement, je pense que le message que fait passer l'auteur n'est pas le bon : l'auteur fait l’apologie de la non-lecture. Pourquoi lire, alors que l'on peut très bien parler de livre que l'on n'a pas lus ? Ne lisons pas !