dimanche 28 mai 2017

Le bureau des Jardins et des Étangs - Didier Decoin



 Empire du Japon, époque Heian, XIIe siècle. Être le meilleur pêcheur de carpes, fournisseur des étangs sacrés de la cité impériale, n'empêche pas Katsuro de se noyer. C'est alors à sa jeune veuve, Miyuki, de le remplacer pour porter jusqu'à la capitale les carpes arrachées aux remous de la rivière Kusagawa. Chaussée de sandales de paille, courbée sous la palanche à laquelle sont suspendus ses viviers à poissons, riche seulement de quelques poignées de riz, Miyuki entreprend un périple de plusieurs centaines de kilomètres à travers forêts et montagnes, passant de temple en maison de rendez-vous, affrontant les orages et les séismes, les attaques de brigands et les trahisons de ses compagnons de route, la cruauté des maquerelles et la fureur des kappa, monstres aquatiques qui jaillissent de l'eau pour dévorer les entrailles des voyageurs. Mais la mémoire des heures éblouissantes vécues avec l'homme qu'elle a tant aimé, et dont elle est certaine qu'il chemine à ses côtés, donnera à Miyuki le pouvoir de surmonter les tribulations les plus insolites, et de rendre tout son prestige au vieux maître du Bureau des Jardins et des Étangs.
396 pages - Contemporain - 2017





Mes impressions :
Avec Le bureau des Jardins et des Étangs, Didier Decoin nous emmène dans un Japon ancien poétique et voluptueux. 

Nous voici dans le Japon du XIIème siècle, au côté Miyuki, veuve d'un excellent pécheur de carpes, dans un petit village sur les rives de la rivière Kusagawa. La mort de son époux l'oblige à entreprendre un long périple jusqu'à la capitale, afin de livrer les dernières carpes péché par ce dernier au bureau des jardins et des étangs de la cité impériale. Son voyage, sous un plume poétique, lui fait explorer de nouveaux paysages, puis la grande ville et enfin le monde de la noblesse, si loin de ses préoccupations. 
On sent que l'auteur s'est inspiré des célèbres estampes japonaises, à la fois poétiques, voluptueuses et railleuses. La société, le rythme de la vie, les paysages, l'aspect sale et précaire sont bien retranscrits et le lecteur se sent immergé dans les tableaux dépeints, qui prennent vie. Les pensées de Miyuki, ingénue, qui se retrouve dans les couches de plus en plus hautes de la société qu'elle ne connaît pas, apporte un effet comique, voir railleur, qui rappelle aussi des écrits comme le Dit du Genji de Murasaki Shikibu.

Malgré tout, j'ai trouvé que la narration est trop poétique, mais aussi trop érotique à mon goût. J'aurai aimé que l'humour prenne un peu plus de place, comme ce que m'évoquent les estampes, surtout érotiques, qui ont un côté burlesque beaucoup plus marqué.
Enfin, j'ai trouvé l'intrigue plutôt floue. Si au départ l'héroïne débute un voyage avec un objectif, peu à peu l'histoire devient une succession d’événements dans lesquels l’héroïne se laisse entraîner, contemplative elle aussi, jusqu'à une fin étrange, qui m'a laissé une impression d’inachevé, ou plutôt de brume qui se dissipe on ne sait où.

Le bureau des Jardins et des Étangs est un roman agréable, qui nous plonge dans un Japon du XIIème siècle poétique et voluptueux, artistique, proche d'une estampe. Malgré tout, il est plutôt à réservé aux amateurs d'ambiance et de contemplation.



Merci aux éditions Stock et à Netgalley pour m'avoir permis de découvrir Le bureau des jardins et des Étangs !

mercredi 26 avril 2017

L'homme qui haïssait le bien - Sébastien Bohler


  Le crime était une maladie. On a découvert le traitement.
Qu'y a-t-il dans la tête de Franck Corsa, le psychopathe le plus dangereux de France ?
Pour la première fois, grâce aux progrès fulgurants de l'imagerie cérébrale, quelques scientifiques peuvent le savoir. Ils proposent alors un marché au prisonnier : effacer les causes du mal dans son cerveau par une opération chirurgicale jamais tentée à ce jour.
Lorsque Corsa se réveille, il n'est plus le même homme. Bonté, compassion, douleur : toute une gamme de sentiments humains lui est brusquement révélée.
Seul problème : être un homme bon ne faisait pas partie de ses plans.
416 pages - Thriller - 2017


Ce que j'en ai pensé :
 En lisant le résumé, j'ai pensé que L'homme qui haïssait le Bien serait une histoire du point de vue, ou du moins centré sur Franck Corsa, le psychopathe qui subit une opération qui va le rendre "bon", que l'on suivrait son évolution psychologique après cette opération.
En vérité, cette histoire d'opération sur Franck n'est qu'un prétexte, interchangeable, au re-lancement d'une histoire de complots, de scandales d'État et de course-poursuite.

Ignorant que L'homme qui haïssait le Bien  est une suite (oui, c'est écrit sur la couverture), j'avais ressentie comme un manque lors de ma lecture. Un manque de profondeur dans les personnages, que l'on suit trop peu et qui sont nombreux. Un manque aussi dans le scénario, beaucoup de choses semblaient ne pas avoir été mise en place. Je rectifie donc mon avis, puisqu'il y a un premier tome.

-En revanche, je trouve quand même qu'il a manqué quelque chose à ma lecture. Le scénario semble reprendre beaucoup celui du tome précédent, et je m'interroge du coup sur l'intérêt de ce second opus. A part le dénouement des scandales de Neuroland, il y a peu de nouveautés. J'ai trouvé qu'il manquait de rythme, la mise en place  de l'histoire, notamment, est longue, il faut attendre un tiers du roman avant que l'opération dont on parle dans le résumé ait lieu. Il est vrai que je suis aussi fortement déçue que cette opération, mise en avant dans le résumé, ne soit que peu exploité. On nous fait même miroiter d'autres expériences sur d'autres prisonniers, mais on n'en reparle peu . Peut-être le tome suivant nous en apprendra plus ?  Il est vrai que certaines choses restent en suspens à la fin.

+Bien sûr, je ne peux pas reprocher à ce titre mon manque de renseignements sur la série. Et puis, L'homme qui haïssait le Bien est quand même un roman qui se lit facilement, et qui m'a fait passer un moment pas désagréable.
Toutefois, je peux quand même conseiller à ceux qui souhaitent lire cette histoire de lire Neuroland avant, car L'homme qui haïssait le Bien est une histoire compréhensible, mais moyenne si on la lit sans en savoir déjà un peu plus.



Merci aux éditions Robert Laffont et à Netgalley pour m'avoir permis de découvrir L'Homme qui haïssait le bien !

samedi 15 avril 2017

Comment parler de livres que l'on n'a pas lus ? - Pierre Bayard



  L'étude des différentes manières de ne pas lire un livre, des situations délicates où l'on se retrouve quand il faut en parler et des moyens à mettre en oeuvre pour se sortir d'affaire montre que, contrairement aux idées reçues, il est tout à fait possible d'avoir un échange passionnant à propos d'un livre que l'on n'a pas lu, y compris, et peut-être surtout, avec quelqu'un qui ne l'a pas lu non plus.
162 pages - Essai - 2007

Les + :
-la distinction entre lecture et le fait de parler d'un livre
-la réflexion sur notre rapport aux livres


Ce que j'en ai pensé :
  Pierre Bayard nous propose ici un livre au nom bien provocateur, qui nous évoque un fait réprouvé socialement, mais qui pourtant est très banal : ne pas avoir lu un livre. Notamment un "must-read", donc la lecture est considéré comme acquise.

  C'est le point fort de cet essai : l'auteur cherche ici à déculpabiliser les lecteurs, mais surtout les non-lecteurs, de ne pas avoir lu. Parce qu'on ne peut pas tout lire, parce qu'on n'a pas envie de tout lire tout simplement. Mais aussi simplement parce qu'on a oublié. L'auteur fait un pied de nez à l'élite, celle qui vous méprise si vous n'avez pas lu tel ou tel livre : d'abord, parce qu'elle-même se vante de bien des lectures qu'elle n'a pas faites. Mais aussi parce que votre culture et votre intelligence ne se mesurent pas à une quantité de livres lus. Et enfin, parce que parler d'un livre, finalement, est un acte très différent de sa lecture. La lecture influence la manière de parler d'un livre, mais elle ne lui est pas nécessaire.
L'autre point très intéressant est l'interrogation que l'auteur pose quant à notre rapport à la lecture et aux livres. Il distingue plusieurs rapports au livre, de lecture, de non-lecture, et d'après-lecture. Un livre lu est pour nous, comme un livre non-lu, une construction de notre esprit à partir des informations que l'on a. Certes, on a beaucoup plus d'informations pour un livre lu selon moi, notamment le ressentie, qui est très important, mais en effet, chacun se reconstruit l'image d'un livre qu'il a lu, tout comme nous nous construisons une image d'un livre que nous n'avons pas lu, finalement. Ce qui emmène à la réflexion de l'auteur : on peut parler de livre que l'on n'a pas lu, si on en connaît assez à son sujet, puisque parler d'un livre, c'est parler de l'image que l'on a d'un livre. Et l'image que l'on se fait du livre, ce n'est pas seulement ce qu'on a retenu de sa lecture, qui est déjà  un acte d'altération, c'est aussi le contexte socio-culturel dans lequel s'inscrit le livre.
Là se pose la réflexion de l'auteur sur le fait de parler d'un livre. Parler d'un livre est finalement un acte qui n'a pas de rapport avec la lecture ou non d'un livre, mais à l'image que l'on s'est créé d'un livre. C'est aussi un acte social qui dépend d'autrui. L'image que vous avez du livre, l'histoire du livre en question et la personne avec qui vous en parler est ce qui influencera le dialogue.
On a donc une distinction claire entre la lecture d'un livre et le fait d'en parler et entre le livre et son histoire sociale.

  Malheureusement, je pense que le message que fait passer l'auteur n'est pas le bon : l'auteur fait l’apologie de la non-lecture. Pourquoi lire, alors que l'on peut très bien parler de livre que l'on n'a pas lus ? Ne lisons pas !

mercredi 12 avril 2017

La quatrième fée - Brigitte Guilbau


  Une légende vietnamienne raconte l’histoire de trois fées. La première veille sur l’embryon, le fœtus et la mère pour leur donner force et vigueur pendant la grossesse. La deuxième fée s’occupe de la naissance pour que la mère soit libérée rapidement et que l’enfant vienne au monde en bonne santé. La troisième apparaît quand vient l’heure de mourir : elle nous aide à passer la porte vers ce monde que l’on dit meilleur, à nous donner le courage et à nous apaiser. Qu’arriverait-il si, par un rendez-vous insoupçonné, une quatrième fée venait faire trébucher cette dernière?
198 pages - Drame - 2016



Ce que j'en ai pensé :
 Partout où ce roman passe, il est clairement mentionné "ATTENTION CECI N'EST PAS DU FANTASTIQUE!!!" (oui, l'éditeur l'a écrit en majuscules comme ça). Bon, pas de surprise pour moi donc.

En vérité, La quatrième fée c'est l'histoire d'une jeune femme qui tombe dans le coma suite à un accident. Un coma dont les médecins annoncent qu'elle ne reviendra pas. On découvre alors sa mère, Natacha, à travers cette épreuve, la douleur qu'elle subit, mais aussi les choix qu'elle doit faire. Car très vite, se pose la question de savoir si Natacha accepte qu'on débranche sa fille ou non. L'auteur s'attaque à des thèmes forts, la perte d'un enfant, qu'elle décision prendre lorsqu'un proche est dans un coma irréversible, ou le don d'organe. Le tout donne une histoire dure, touchante, qui fait se demander au lecteur "Et moi, qu'est-ce que je ferais à sa place ?".

Mais voilà. La quatrième fée aurait mérité, selon moi, beaucoup plus de temps. D'une part, le scénario reste très prévisible. Les ficelles sont grosses, il y a peu de surprises, même si le thème ne s'y prête pas vraiment, il est vrai. Les ressorts scénaristiques, quant à eux, sont très clichés, voir peu crédibles. J'ai eu l'impression que l'auteur a forcé les éléments pour que tout soit beau et bien. Le père de la jeune femme dans le coma, qu'elle ne connaissait pas, qui est comme par hasard dans le même hôpital, au même moment, pour son fils qui a besoin d'organe. Ça tombe bien !
Et justement, j'ai eu l'impression que l'histoire n'était qu'un prétexte à l'auteur pour aborder ces sujets et partager ses réflexions. On dirait que ces dernières, elles aussi, sont insérées de force dans l'histoire. Elles tombent un peu comme ça, au moment où le sujet est abordé, mais elles ne m'ont pas semblé être dans la continuité du récit. De plus, elles sont trop nombreuses, et du coup, j'ai eu l'impression d'avoir beaucoup d'ébauches de réflexions qui n'ont pas eu le temps d'être approfondies. Le don d'organe par exemple, est un thème qui arrive vraiment au dernier moment et qui m'a semblé à peine effleuré tant la réflexion autour est précipité.
L'écriture, en général, est maladroite. Elle manque de fluidité, on sent, comme pour les réflexions donc, des coupures, des choses que l'auteur a voulu dire mais n'a pas réussit à insérer totalement dans l'histoire. J'ai cru que La quatrième fée était premier roman, tant j'ai eu l'impression de lire une fanfiction. Cependant, l'histoire se lit très bien, et vite.


// La quatrième fée est un roman touchant, mais qui m'aurait mieux plus avec un approfondissement de l'histoire, plus de temps pour que les événements de l'histoire s’enchaînent de manière plus fluide et naturel, et plus de temps de réflexion aux personnages.
Malgré tout, j'ai vu beaucoup d'avis très positifs. Si personnellement, l'écriture m'a bloqué, je pense que beaucoup de personnes sauront l'apprécier pour tous ses bons côtés ! //



Merci aux éditions Lilys et à Netgalley pour m'avoir permis de découvrir La quatrième fée !

samedi 18 février 2017

La tombe des lucioles - Akiyuki Nosaka

La tombe des lucioles
  L'histoire d'un frère et d'une soeur qui s'aiment et vagabondent dans l'enfer des bombes et de la famine tandis que la guerre fait rage.
Les Algues d'Amérique
  Toshio se remémore ses souvenirs de la guerre, pendant laquelle il était enfant, alors que sa femme invite un couple d'amis américains à séjourner chez eux.
139 pages - Contemporain - 1967 & 1968

Ce que j'en ai pensé :
J'ai beaucoup aimé La tombe des lucioles. Court et percutant, le récit est très descriptif. On s’appuie sur les fait, plus que les sentiments, on est loin du pathos qui s'étale (ce qui m'avait déplu dans le film en passant...). On nous décrit les horreurs, et parfois un peu d'espoir, sans jugement, sans sentimentalisme exacerbé.  On sent la désillusion et l'ironie de l'auteur face à cette catastrophe et à la société japonaise, qui a fait de sa malheureuse expérience un récit touchant et percutant, qui nous fait comprendre un peu plus l'étendue de l'horreur des bombes et de la guerre.

Dans la seconde nouvelle, l'auteur s'attarde sur le sentiment des Japonais face aux Etats-Unis, sentiment du vaincu face au vainqueur. On nous décrit ce sentiment ambivalent à la fois de rejet et d'admiration pour les Etats-Unis, la servitude japonaise d'un côté et l'envie de montrer la grandeur japonaise de l'autre. Les complexes sont nombreux, la défaite, la perte de son armée, la physionomie même, et la grande modernité qu'affiche les Etats-Unis, qui attire. Mais la fierté japonaise est toujours présente, et le narrateur tente de ne pas se laisser subjuguer, de retrouver une grandeur à son pays, mais aussi pour lui-même.

// Deux nouvelles percutantes et très intéressantes pour comprendre un peu mieux le sentiment japonais pendant la guerre et d'après-guerre. //